Développement local, perspectives?

2 Oct 2018 | Actualités

J’ai eu l’opportunité d’assister, comme observateur, à une partie des travaux de l’Atelier des territoires qui avait choisi de se poser sur l’intercommunalité de la Bassée Montois, en Ile de France. 24000 habitants, peu de services et d’activités, à l’écart des transports en commun, une population de néo-ruraux qui a souvent l’impression d’être rejetée, une migration pendulaire quotidienne vers la capitale et proches banlieues massive, cette intercommunalité est rurale, sous influence métropolitaine exacerbée, et cherche, depuis plusieurs, années à se projeter et afficher une différence.

C’est mon territoire, j’y vis, j’y ai été élu (maire d’un village de 650 habitants et promoteur de l’association seine et marnaise des maires ruraux) et j’ai souvent participé aux réflexions sur son devenir. J’ai, aussi, exercé mon regard professionnel d’expert en développement local pour jauger de la démarche et de ses conclusions. Ce travail m’a ainsi suggéré plusieurs réflexions.

Sur la méthode d’abord, elle part certes d’un bon principe en rassemblant élus, experts, personnes qualifiées et techniciens de l’Etat. Pour autant, est-il raisonnable en 2018 de parler projet de territoire sans consulter les premiers concernés, les habitants ? Il me semble que non et que l’on ne peut plus, systématiquement, dissocier sphères privée et publique, dans l’utopie que le développement du collectif n’appartient qu’aux seuls élus.

Sur le travail réalisé, ensuite, qui s’est déroulé de manière structurée, alternant ateliers de réflexion, visites de terrain, échanges avec des acteurs qualifiés, compilation et synthèse d’une diversité de données accumulées au fil du temps, réactualisées récemment par les travaux du SCOT et du PLUI. Les élus locaux ont été très sollicités, en plus de leurs engagements respectifs, probablement trop. Peu ont participé assidument à l’ensemble des travaux, ce qui laisse, encore une fois, la projection d’un avenir commun à la bonne volonté ou au bon vouloir de quelques-uns.

Sur les conclusions, enfin, la feuille de route qui a été partagée, suggère de belles et nombreuses possibilités de développement qui, d’un point de vue intellectuel, sont très intéressantes. La réalité de cette intercommunalité semble, cependant, tout à fait différente. D’abord, parce que l’on ne peut pas rajouter du travail à des élus locaux qui croulent déjà sous les charges et contraintes. Ensuite, on peut se demander si une intercommunalité de cette taille est en capacité de porter des projets d’une telle ampleur, ses ressources techniques se résumant à peu de personnes, ne parlons pas de ses moyens financiers. Il faudrait alors renforcer ces effectifs dans une telle mesure que cela ferait, inévitablement, exploser les charges de fonctionnement avant même de voir un quelconque résultat. Et cela même si l’Etat propose une concentration de ses dispositifs régaliens et une souplesse d’exécution pour optimiser le développement des projets. Par ailleurs, force est de constater aujourd’hui que la capacité d’investissement d’une collectivité est limitée, ainsi que celles de ses partenaires traditionnels (département, région…). Une grande partie est accaparée par du fonctionnement et le développement de structures.

Pour autant, une des préconisations de cet Atelier des territoires est particulièrement innovante. Elle recommande de trouver de nouvelles ressources en, notamment, portant le développement des projets par le biais d’une coopérative de type SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) qui associerait, dans la même dynamique, les élus, les porteurs de projet et, possiblement, les usagers. Se faisant, l’investissement initial, porté par la collectivité, pourrait ainsi être payé de retour (le R.O.I) par la réalisation et le développement des projets soutenus. Cette vision combine approche capitalistique et garantie d’une vision collective. Elle présente un vrai intérêt car elle demande aux élus de changer leur prisme sur l’investissement en imaginant que l’argent public apporté soit rendu par le biais d’une production. Elle associe par ailleurs, dans la durée, élus et acteurs privés dans une même vision du développement en partageant ainsi la gouvernance. Plus largement, cette suggestion pose la question de la recherche des moyens qui hante régulièrement les courtes nuits des élus ruraux de France. Elle encourage, surtout, à s’intéresser différemment aux ressources locales, surtout humaines, que l’on trouve sur tous les territoires. Elles sont des partenaires potentielles.

Que retenir de tout cela ? Que, probablement, les élus locaux diluent aujourd’hui leurs efforts et concentrations dans un nombre important de réunions qui sont trop orientées sur le technique et moins sur les projets de développement pour leur territoire. C’est l’un des effets pervers de la réforme des collectivités.

Qu’il est, certainement,  temps d’expérimenter de nouvelles pratiques. Une collectivité, surtout rurale, ne peut plus assumer seule les moyens de son développement. Il faudrait alors recruter une dizaine d’experts différents pour réaliser les actions révélées par l’Atelier des Territoires. Elle doit davantage se concentrer sur la gestion globale du projet de territoire et déléguer sa réalisation à un collectif de porteurs et d’usagers dans une logique gagnant / gagnant. C’est un changement radical…

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