Au revoir Bernard !

Un être humain !

Retracer ma rencontre personnelle avec Bernard Corbineau constitue une longue histoire dont les principaux événements figurent déjà dans l’édito publié sur Brie’Nov.

Ma collaboration professionnelle fut plus tardive. Elle survint à un moment où je réfléchissais à mon avenir après une mission très prenante, la création et le développement de la Maison de l’Emploi de Sénart. Bernard, avec lequel j’avais déjà collaboré dans le cadre d’un projet européen, Equal « faire de Sénart une ville apprenante » (quelle belle ambition !), m’avait plusieurs fois fait du pied sous la table pour le rejoindre au sein d’Infoggara, un cabinet de conseil qu’il avait créé.

Infoggara… le foggara en algérien, ces réseaux souterrains qui amènent l’eau et permettent aux hommes de survivre, notamment dans le désert. Tout était dit !

Ma décision s’est prise naturellement. J’avais plaisir à être avec lui, à échanger, à partager ses réflexions foisonnantes. Nous étions convergents et pas complémentaires, je n’étais pas le commercial qu’il n’était pas, il n’était pas le gestionnaire que je n’étais pas…. Je savais que j’embarquais dans une aventure de créateur et non d’entrepreneur….

Je ne fus pas déçu, notre collaboration a été foisonnante et nous a entraîné dans des aventures assez exceptionnelles, car bien souvent uniques. Premier programme de développement économique régional dédié au tourisme (Tourisme et Terroir des Deux Morins), première mission de design territorial financée par Bercy, en collaboration avec l’Agence Pour la Création Industrielle et Yellow Window (L’Autre Maison), l’étude de faisabilité du projet de parc naturel de la Brie des Morin, la création de Brie’Nov dont il a été le cofondateur inspirant…. la liste est longue.

Notre collaboration déporta, au travers de Brie’Nov, sur des projets uniques et singuliers, Réinventer Paris, Nomade Office (1er tiers lieu périurbain de la Seine et Marne, 1er sous forme de coopérative d’intérêt collectif), Démonstrateur Industriel pour la Ville Durable, Sonate… Je crois qu’une action qui le marqua le plus était, paradoxalement, un projet Européen dont nous n’étions pas à l’origine, Periphéria. Il mettait en relation à distance des femmes immigrées de la banlieue de Meaux avec d’autres de la banlieue de Stockholm, qui sans partager une langue commune, communiquaient en échangeant leurs savoirs en matière de couture et de broderie. Une belle réussite humaine.

Bernard fit partie de ces précurseurs projetant les possibilités liées au numérique et au déploiement du très haut début. Il portait une mission d’égalité et d’accessibilité pour tous. Elle coïncidait avec nos actions sur le terrain, pour accompagner le développement de la ruralité. 

On ne fut pas riche classiquement, ce que notre comptable déplorait, mais de toutes ces actions, réflexions qui nous permirent de réaliser certaines de nos convictions.

Bernard m’a emmené dans des aventures auxquelles je n’aurai jamais eu accès autrement, c’était le cœur de notre complémentarité. On s’écoutait, se faisait confiance, rêvait et expérimentait. On osait finalement…

Depuis quelques années, il avait pris sa retraite et suivait de loin en loin la croissance des graines qu’il avait semées. Il part trop tôt, forcément… Les témoignages recueillis, directement, sur les réseaux sociaux, montrent combien il avait été apprécié par de nombreuses personnes qui l’ont côtoyé, comme universitaire, comme entrepreneur ou comme être humain, tout simplement. Il était drôle, fin, profond, engagé et il me manquera terriblement.

Il est parti mais il reste présent. Je me sens dépositaire de son engagement. Bernard, je te dis au revoir et je regretterai longtemps de ne pas t’avoir dit simplement combien j’avais été heureux de te rencontrer.